Tout a commencé il y a fort longtemps... il y a peut-être cinq ans de cela. Tout a commencé sur les bancs de ma classe prépa, en cours d'Histoire. Au programme figuraient quelques minuscules chapîtres sur l'histoire économique mexicaine... le Mexique ? Le Mexique, mais pour quoi faire ? On avait déjà fort à faire avec les Trentes Glorieuses et l'économie socialiste sous Krouchtchev. Mais c'était au programme. Fort malicieusement, un de nos profs était expert du Mexique pour y avoir vécu et écrit Le Mexique dans la nouvelle économie mondiale. Le programme scolaire français de collège et lycée a tout simplement effacé toute trace du Mexique, comme de nombreux autres pays d'ailleurs. Que savais-je alors du Mexique ? Rien. Au mieux j'en avais des images. Quelle ne fut donc pas ma joie de découvrir enfin quelque chose de complètement nouveau, un exotisme, des tropiques. Comment ne pas esquisser un sourire lorsqu'on nous parlait de la grève de la tortilla [galette plate traditionnellement faite de maïs, servant d'aliment de base au Mexique] à Mexico, qui avait faillie mettre à bas un gouvernement ? Pendant nos colles d'histoire, combien ont buté sur le nom de Nezahualcoyotl en bafouillant, nom d'un quartier populaire de Mexico, mais surtout nom de l'illustre roi-poète de Texcoco. Texcoco ? Roi-poète ? Qu'est-ce... ? Mais le point culminant vint avec l'histoire de l'insurrection zapatiste du Chiapas menée par le médiatique sous-commandant Marcos ! Zapata ? Chiapas ? ...Autre planète. Ma fascination pour ce pays prit racine ici. Seulement, malgré toutes les anecdotes contées par nos profs d'Histoire, je restais sur ma faim. Ce ne fut qu'une mise en bouche qui m'ouvrit l'appétit. Je me suis alors acheté deux trois bouquins sur l'histoire mexicaine, en particulier sur la mystérieuse période précolombienne. Je fus tout de suite happé par ces univers truculents : les mythes aztèques, l'incroyable conquête de Cortés, les sacrifices humains etc. J'avais déjà le Mexique dans la peau, et j'en ignorais encore presque tout.
Cette passion naïve se nourrissant pour l'instant uniquement d'imaginaire allait bientôt se confronter à la réalité mexicaine. Un an après mes concours, j'eus en effet l'opportunité de partir faire un stage à Guadalajara. De près de 5 millions d'habitants, Guadalajara est la deuxième ville du Mexique et est la métropole de la partie Occidente du pays. Je fus alors plongé dans un univers purement mexicain : j'y appris l'espagnol, ou devrais-je dire le mexicain tant les différences dans les expressions courantes sont grandes ! Oui, au début j'eus un peu de mal à me faire à l'argot mexicain, mais ça a fini par rentrer ! Les Mexicains avec qui je logeais me firent découvrir leur culture. Je découvris notamment le passe-temps très populaire de la lucha libre [catch mexicain], je m'étourdis des fiestas impressionantes du Dia del Grito [littéralement "jour du cri" (Viva México!), jour de l'indépendance mexicaine] dans les pueblos, j'appris à déguster la téquila (Guadalajara est au coeur de la région productrice de téquila), je m'émerveillais des manifestations populaires de la fête des morts. Mais surtout, je vivais avec des Mexicains, je parlais avec des Mexicains, je travaillais avec des Mexicains...